AL Interview ///// BOUQUET POST Albert Zennou - Journaliste, Le Figaro VID COHEN interviewe David Cohen DA Quelle place tient la peinture dans vos nombreuses activités ? Ce ne doit pas être simple de diriger un service hospitalier, d’avoir des activités d’enseignement et de faire de la recherche. Je comprends votre interrogation mais en même temps je ne partage pas cette dichotomie de la vie qui place le travail à part comme une contrainte. J’ai la chance de faire un et même plusieurs métiers que j’aime et qui me passionnent. Pour moi, la peinture, et la sculpture, font partie d’un tout et sont consubstantielles de mon existence. J’ai toujours peint. Enfant, adolescent et maintenant adulte. Bien sur le temps que j’y passe n’est probablement pas suffisant. Mais si ma situation actuelle présente pas mal d’inconvénients (aucune disponibilité pour le démarchage et le relationnel, image de peintre du dimanche), elle est aussi condition d’une vraie liberté de création. Je n’ai pas besoin d’argent, je ne suis pas contraint par le système marchand à produire en série, à répéter 200 fois le même thème, à rester dans un style car il est devenu signature ou surtout commercial. Faites-vous des liens entre vos différentes activités ? Autrement dit, la psychiatrie inspire- t-elle d’une quelconque façon votre peinture ? Vous m’auriez posé cette question il y a quelques années, je vous aurai certainement dit : « Pas du tout ! ». En fait, depuis quelques temps je me suis rendu compte que mon travail d’artiste s’inscrit dans deux thématiques principales. La première est celle de la communication et du rapport à l’autre. D’où les séries de « Têtes et Personnages » dans les années 90, plus récemment les séries « Ecritures », ou celles utilisant des sacs postaux. La deuxième thématique concerne le rapport à la mort, au caché, à la trace comme dans les séries « Obsessions Colorées » ou « Les Pendus ». Hors ma pratique de psychiatre d’enfant et d’adolescent est surtout orientée vers ces deux thématiques à savoir les troubles de la communication – autisme et dysphasie – et les troubles sévères de l’humeur dont les formes extrêmes – suicide et catatonie – questionnent le rapport à la mort. Vous venez d’évoquez l’utilisation de sacs postaux. Justement comment les choses ont- elles démarrées ? Vous êtes d’emblée parti sur l’idée des bouquets ? Je ne saurai pas complètement expliquer comment j’ai démarré. D’abord, le sac qui m’intéresse est l’historique sac en toile de jute avec la bande centrale où est inscrit « La Poste ». Le plus souvent sur fond jaune. Je dis historique car les derniers ne sont plus en jute mais en plastique. Ce que j’aime c’est la toile de jute épaisse. Elle prend très bien la peinture et la colle. Elle possède une présence naturelle et un grain très noble. Et surtout, on peut la travailler de manière presque sculpturale. Ensuite, j’ai fait un rêve dans le quel j’imaginais recevoir une commande d’une fresque pour un hall d’une grande poste. Je proposais de rendre hommage aux lettres perdues sans destinataires en les utilisant comme matière avec des sacs postaux collés sur une toile-châssis de très grand format. Puis je me voyais peindre sur cette accumulation de lettres et de sacs, des aplats abstraits rouges et jaunes. Comment vous est venue l’idée des sacs postaux ? En fait, le véritable commencement, c’est la série « Come se fosse olivi ». J’étais en Italie à Pietrasanta, en Toscane, où je me rends chaque été pour peindre. Les oliviers y sont splendides et m’ont toujours profondément inspiré et accompagné. J’utilisais déjà des branches et des feuilles que je collais dans certains tableaux. Les propriétés sculpturales de ces sacs me sont alors apparues comme une évidence. Et je me suis mis à faire des troncs d’oliviers avec. C’est ainsi que la série a débuté. Quelle est le sens de votre démarche artistique pour la série « Bouquet Postal »? « Bouquet postal » est venu dans la continuité des différentes séries. J’avais fait un ou deux tableaux il y a quelques années. C’est un projet d’exposition au Musée de la Poste qui a relancé la série. L’équipe du musée avait bien aimé mon travail sur les oliviers. Quand ils sont venus à mon atelier, je leur ai aussi montré les deux bouquets sachant qu’ils m’avaient dit vouloir exposer des projets ou des œuvres originales. Ca leur a plu et ils m’ont proposé une exposition. Ce projet m’a énormément stimulé. J’ai rapidement évoqué avec eux mon projet de bouquet sculpture encagé. Pour les œuvres sculpturales, je suis contraint par l’espace disponible de mon atelier et la nécessaire programmation des projets. Comme je l’ai déjà dit, le fait que je passe tous mes étés dans la région de Pietrasanta qui compte encore aujourd’hui un nombre important de sculpteurs, d’artisans du marbre, de fondeurs m’a facilité la tache. Ma parfaite connaissance du tissu de compétences présentes m’a permis de rapidement trouver un ferronnier avec qui j’ai pu concevoir la cage et de manière plus générale les pièces en ferraille de mes sculptures.
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